Après les chevaliers teutoniques et leur déculottée à la bataille de Tannenberg par les Polonais, l’Est de l’Europe au-delà de la Volga n’a guère été une source d’inspiration artistique. Peut-être fait-on allusion à Catherine de Russie, née à Stettin en Poméranie, petit État allemand de l’époque de Frédéric le Grand. Mais paradoxe des Catherine, nous avons eu aussi Catherine « de Médicis », était-elle Italienne en France ou Française d’Italie ? Catherine la Grande était sûrement plus russe que prussienne. Ses décisions politiques étaient plus proches des Boyards que des cours princières allemandes.
Catherine II par Feodor Rokotov
Il y eut de fortes migrations allemandes tout au long des xviie, xviiie et xixe siècles. Des marchands édifièrent des cités en particulier le long de la Volga, mais aussi des quartiers à Saint-Pétersbourg et Moscou. Il y eut bien sûr des alliances princières entre Russie et Allemagne, mais à l’époque tout le monde se mariait entre cousins. Avec la guerre de 14-18, les deux peuples se trucidèrent avec grand art. Ne comptons pas les morts, sans quoi ils pourraient venir nous hanter la nuit. Une défaite, un changement d’acteurs, le Kaiser qui part cultiver des tulipes, Nicolas II qui découvrent les fondrières d’Ekaterinbourg, et Lénine qui impose le communisme. Et là je me demande où sont encore les passerelles culturelles.
Saint-Pétersbourg, église du Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé
L’après-Grande Guerre nous laissent des témoignages qui, encore aujourd’hui, révulsent nos sentiments et dont nous trouvons trace dans des livres comme Les Réprouvés d’Ernest von Solomon. Que dire de ce doux flirtage entre la République de Weimar, suivie par les Nazis, et l’éternel sourire de Staline derrière sa moustache, des collaborations qui inclurent moins l’art que les armes.
Doit-on considérer la guerre de 41-45 comme un chef-d’œuvre, en paraphrasant le maréchal de Saxe, « un Allemand au service de la France ». Il me revient en mémoire deux ouvrages : La Chute de Berlin de Beevor, et le Journal d’une femme à Berlin. La monstruosité nous apparaît dans toute sa force. Combien de centaines de milliers de femmes ont été violées, des meurtres, des rapines. L’Armée rouge volait tout, même les rivets des portes. Et doit-on oublier ces deux millions d’Allemands de la Volga, déportés et perdus pour l’humanité en Sibérie. La couleur de la Russie était rouge sang. L’Allemagne ne doit pas être absoute.
Berlin, Reichstag
C’est dans les yeux de ma belle-mère, âgée de quatre-vingt ans, que je vis cette expression de peur que partageaient nombre de personnes de cette génération sur la Russie. Leur armée faisait davantage figure d’hordes de barbares que de libérateurs. Bien sûr il y eut Kandinsky et les artistes russes venus en Allemagne à l’époque du Bauhaus. Mais la Russie fait toujours peur.
Cette exposition d’une rencontre entre deux cultures me rappelle le film Le Pianiste de Polanski, où un officier SS sauve la vie d’un Juif, non parce qu’il est un homme, mais parce qu’il joue merveilleusement bien du piano. Les relations entre l’Allemagne et la Russie sont faites de cynisme, plus souvent de barbarie, mais ont rarement été culturelles. L’ours de Berlin et l’ours de Moscou ne peuvent cohabiter sans s’entretuer….
Affiche du Pianiste de Polanski
L’exposition Russes et Allemands. 1000 ans d’art, d’histoire et de culture au Neues Museum de Berlin tente de trouver et de prouver l’existence de liens artistiques entre l’Allemagne et la Russie. Vous pouvez la visiter jusqu’à fin janvier. Pour vous imprégner de l’art allemand ou russe, vous pouvez parcourir les pages de Répine de Grigori Sternin et Jelena Kirillina, Serov de Dmitri V. Sarabianov et Valentin Serov, ou de La Peinture allemande de Franz Dülberg.
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